1968 – 1972

Fondation, les années de métamorphoses

L’aventure débute le 26 août 1968, dans un modeste local niché au fond d’une ruelle, au 1297 rue Papineau. Réunis par des aspirations communes et partageant une vision similaire du théâtre, les troupes des Apprentis-Sorciers, du Mouvement contemporain, des Saltimbanques et le mime Michel Poletti unissent leurs forces pour donner naissance au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui. Le terme « Centre » est choisi initialement pour symboliser l’union de plusieurs compagnies théâtrales et exprimer le désir d’en accueillir davantage. De plus, il met en lumière la contemporanéité des créations, d’où l’appellation « Théâtre d’Aujourd’hui ». Les artistes investissant ce lieu ambitionnent ainsi de créer un théâtre ancré dans le « ici et maintenant ».

Cependant, après une première saison, tout s’effondre, ou presque. Michel Poletti retourne en Suisse, les Saltimbanques mettent fin à leurs activités et le Mouvement contemporain cesse ses opérations. Il reste alors un trio de créateurs composé de Jean-Pierre Saulnier, Pierre Collin et Robert Spickler, auxquels se joint dès 1969 Jean-Claude Germain et sa troupe, Les Enfants de Chénier.

C’est à ce moment que le Théâtre d’Aujourd’hui trouve véritablement sa voie : la dramaturgie québécoise. Bien que cette orientation ait été envisagée dès sa création, la décision de faire de la dramaturgie québécoise contemporaine le mandat exclusif du théâtre s’impose. À l’époque, cette prise de position marque une rupture significative avec le paysage théâtral existant. Pour la plupart des artistes, la dramaturgie québécoise n’a pas sa place à côté de la noblesse et de la richesse du répertoire européen. C’est précisément contre cette idée que Jean-Pierre Saulnier, Pierre Collin, Robert Spickler, Jean-Claude Germain et leurs collègues décident de lutter.

1972 – 1982

Les années Germain

Jean-Claude Germain joue un rôle majeur dans l’histoire de ce lieu emblématique. Sous son impulsion et son dynamisme, l’idée même d’une dramaturgie québécoise continue de prendre forme. Bientôt, il assume, aux côtés de Robert Spickler, la direction, la programmation, et l’orientation résolument québécoise du Théâtre d’Aujourd’hui. Son style s’affirme et il a une vision claire du type d’œuvres qu’il souhaite produire : des spectacles qui explorent et critiquent l’identité québécoise à travers ses mythologies à débusquer, à rendre visibles, à théâtraliser.

Pendant la décennie où il dirige la compagnie, de 1972 à 1982, Germain se révèle d’une productivité artistique incomparable. Le théâtre québécois, auquel peu de gens croyaient jusqu’alors, connaît sa première explosion. Contre toute attente, Les Enfants de Chénier rencontrent un succès considérable : les salles sont pleines, les critiques dithyrambiques. En plus de ses propres créations, les saisons sous la direction de Jean-Claude Germain mettent en lumière des auteurs tels que Victor-Lévy Beaulieu, Roland Lepage et Michèle Lalonde.

Au moment de son départ de la direction du Théâtre d’Aujourd’hui, Jean-Claude Germain laisse derrière lui une entreprise artistique reconnue, dont la mission est claire pour tous ceux et celles qui, à Montréal, s’intéressent de près ou de loin à l’art dramatique.

1982 – 1989

Les années plurielles

En 1983, le comédien et metteur en scène Gilbert Lepage succède à Jean-Claude Germain, marquant l’émergence d’une nouvelle pensée au CTD’A. Pour la génération de Germain, qui avait vigoureusement combattu l’influence culturelle française tout en proclamant son souverainisme, le « nous » était inévitablement national.

Avec Lepage, la dimension politique s’atténue, et le « nous » se diversifie. L’enjeu devient davantage la représentation de groupes sociaux dont les voix demeurent trop peu entendues, tels que les femmes, les jeunes, les membres de la communauté LGBTQ+, les marginaux. Gilbert Lepage quitte la direction en 1986, ayant réussi à faire du Théâtre d’Aujourd’hui un lieu de développement, d’éclosion et de nouveauté, tout en rehaussant et diversifiant la qualité esthétique des productions.

Son successeur, l’auteur et comédien Robert Lalonde, prend les rênes de la direction artistique en 1987. Son intérêt majeur réside dans la mise en avant des auteurs. Homme d’écriture, il possède le rare talent de comprendre le processus créatif d’un artiste afin de l’accompagner dans la réalisation de son œuvre.

Dès sa première saison, Robert Lalonde s’engage à programmer des auteurs et autrices encore méconnus et établit des relations durables avec des artistes tels que Normand Chaurette, Michel Marc Bouchard et Maryse Pelletier.

1989 – 1998

Années de croissance, années d’épanouissement

En 1989, débute le mandat de Michelle Rossignol, à qui l’on doit le déménagement du théâtre de la rue Papineau à son emplacement actuel sur la rue Saint-Denis. La salle d’origine devenait en effet trop étroite, accueillant seulement une petite centaine de personnes. De plus, le plafond bas et deux colonnes de béton obstruant la vue suscitent le désir croissant de trouver un nouvel espace. Ainsi, le théâtre déménage au 3900 rue Saint-Denis.

Le nouveau bâtiment, aménagé dans un ancien cinéma spécialisé dans les films pour adultes ainsi que deux résidences voisines, comprend une salle principale pouvant accueillir jusqu’à 250 spectateurs et spectatrices ainsi qu’une salle plus intime de 75 places, baptisée salle Jean-Claude-Germain en hommage à l’ancien directeur artistique. Initialement, cette petite salle cumule les rôles de lieu de diffusion dédié à la relève et de salle de répétition.

Outre ces travaux d’envergure, Michelle Rossignol intègre une notion de répertoire à la mission du théâtre. Bien que la création demeure la mission première du Théâtre d’Aujourd’hui, elle s’accompagne désormais de la responsabilité de maintenir vivant le répertoire québécois qu’il a contribué à initier.

Michelle Rossignol veille également à programmer davantage de femmes, dont Carole Fréchette, Anne Legault, Denise Boucher et Pol Pelletier. Elle produit également des textes d’auteurs et autrices provenant d’autres cultures, témoignant des évolutions de la société québécoise et de l’immigration de plus en plus importante. C’est sous sa direction que Pan Bouyoucas et Wajdi Mouawad verront pour la première fois leurs textes produits au Théâtre d’Aujourd’hui.

1998 – 2004

Changement de génération

Lorsque Michelle Rossignol quitte ses fonctions après neuf années de direction au printemps 1998, c’est au metteur en scène et comédien René Richard Cyr que revient la tâche de lui succéder. Entre en scène également Jacques Vézina, qui partagera la codirection générale du théâtre. Cette collaboration marque la première direction bicéphale au sein de l’institution et vise à renforcer le dialogue entre les aspects artistiques et administratifs.

Pour ouvrir les portes à un plus grand nombre de compagnies de création, René Richard Cyr et Jacques Vézina favorisent un modèle de codiffusion dans la salle principale. Ils aspirent ainsi à faire de l’institution un véritable lieu d’accueil et de production de la dramaturgie québécoise contemporaine.

Le nouveau directeur artistique est également soucieux de présenter des mises en scène à la fois claires et audacieuses d’auteurs et autrices exigeants dont l’œuvre n’avait pas encore reçu l’écho public qu’elle méritait. Il démontre également un jugement visionnaire, révélant une exceptionnelle capacité à identifier, même à un stade de maturation précoce, des écritures originales, personnelles et porteuses de sens.

Avec l’arrivée de René Richard Cyr, une nouvelle génération d’auteurs et autrices marquants pour la dramaturgie québécoise voit le jour : Serge Boucher, Dominic Champagne, Daniel Danis, Sébastien Harrisson, Loup Bleu, Evelyne de la Chenelière et Olivier Choinière.

2004 – 2012

Un théâtre pour les auteurs et les autrices

En 2004, Marie-Thérèse Fortin prend la direction artistique, toujours accompagnée de Jacques Vézina en tant que codirecteur général. Elle s’engage à diversifier le répertoire programmé et apporte une nuance subtile mais significative à la mission du Théâtre d’Aujourd’hui : depuis 1970, celui-ci est un théâtre de création, mais sous sa direction, il devient un théâtre d’auteurs et d’autrices.

Pour la nouvelle directrice, ce sont eux et elles qui font évoluer le théâtre en tant que discipline artistique. Afin de souligner cette orientation, elle met en place dès sa première saison un Prix auteur dramatique, doté d’une bourse de 10 000 $. Sous son mandat, les voix d’artistes confirmés (Michel Marc Bouchard, René-Daniel Dubois, Wajdi Mouawad, Larry Tremblay) se mêlent à de nouvelles (Jennifer Tremblay, Sarah Berthiaume, Olivier Kemeid, Christian Lapointe, Sébastien David).

Marie-Thérèse Fortin instaure également un système de résidence de création de deux ans à la salle Jean-Claude-Germain pour les compagnies émergentes. Ces résidences visent à donner une vitrine aux jeunes compagnies, qui bénéficient ainsi d’un soutien artistique et financier.

Pendant l’été 2010, Marie-Thérèse Fortin et Jacques Vézina supervisent d’importantes rénovations de la salle principale et dirigent la construction d’une nouvelle salle de répétition (située à la place de l’ancienne terrasse sur le toit), offrant ainsi de meilleures conditions de création pour les artistes. Ces installations permettent alors de consacrer entièrement la salle Jean-Claude-Germain à la diffusion de productions d’artistes émergents.

2012 – AUJOURD’HUI

Repenser le dialogue avec la société

En 2012, le metteur en scène et comédien Sylvain Bélanger succède à Marie-Thérèse Fortin. Son objectif est d’ancrer le théâtre dans l’actualité sociale et théâtrale du Québec, tout en renforçant les liens de l’institution avec son environnement culturel et social. Des auteurs et autrices tels que Mani Soleymanlou, Annick Lefebvre, David Paquet, Alexia Bürger, Émilie Monnet, Catherine Chabot et Rébecca Déraspe investissent le théâtre.

Sylvain Bélanger met en avant la notion de « centre » présente dans le nom de l’institution, l’accompagnant d’une refonte complète de l’image de marque et d’un nouvel acronyme : le CTD’A. Résolu à faire de l’institution un carrefour de création et un lieu de rencontre, il œuvre à rassembler une majorité de voix féminines, des représentants des peuples fondateurs, et des créations portées par des individus qui doivent s’affranchir de systèmes qui les régissent. C’est également sous son mandat que naissent le magazine 3900, les Salons dramaturgiques, ainsi que des projets de médiation culturelle tels que La Horde.

Depuis 2014, Sylvain Bélanger est accompagné d’Étienne Langlois à la codirection générale et direction administrative. Ensemble, ils dirigent notamment les célébrations du 50e anniversaire de l’institution et supervisent un chantier majeur de rénovations des espaces d’accueil du théâtre.

Plongez dans notre histoire
Crédit : Daniel Kieffer

Plongez dans notre histoire

Le Centre du Théâtre d’Aujourd’hui chérit son répertoire comme un trésor. Rassemblées au fil du temps et régulièrement enrichies, nos archives numériques constituent une invitation à explorer la captivante histoire théâtrale du Québec. Plongez sans attendre dans ce coffre-fort virtuel !

50 ans au temps présent
Crédit : inconnu

50 ans au temps présent

À l’occasion du 50e anniversaire du théâtre, le conseiller dramaturgique Paul Lefebvre a été chargé d’en retracer l’histoire. Dans son récit, il offre un panorama à la fois empreint de sensibilité et d’analyses approfondies sur le parcours du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui, ainsi que sur sa contribution à l’évolution de la dramaturgie québécoise.

Crédit : Maryse Boyce

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